Arrêt Benjamin – 19 mai 1933 : fiche d’arrêt et portée

Arrêt Benjamin – 19 mai 1933 : fiche d’arrêt et portée

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L’arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État le 19 mai 1933 s’inscrit parmi les arrêts ayant précisé les limites des pouvoirs de polices administratives que possède l’autorité municipale.

Quelle est la portée de l’arrêt Benjamin ? Pourquoi est-il un arrêt de principe ? Quelles sont les limites des pouvoirs de police face aux troubles à l’ordre public ?

Je vais vous expliquer tout ça ! Suivez le guide !🚀

Sommaire

1. Arrêt Benjamin : fiche d’arrêt


Comment s’est déroulé l’arrêt Benjamin
 ?  🧐

Les faits


En l’espèce, René Benjamin (connu pour ses positions controversées sur l’école) devait donner une conférence littéraire dans une école.

Le Syndicat d’initiative de Nevers, formé par les enseignants, voulait interdire cette conférence au motif que Monsieur Benjamin aurait « sali dans ses écrits le personnel de l’enseignement laïque ».

Pour éviter une manifestation du Syndicat d’initiative de Nevers et ainsi protéger l’ordre public, le maire prit la décision d’annuler la conférence publique et la tentative de substitution de la conférence publique en conférence privée.

La procédure


René Benjamin saisit le Conseil d’État pour faire annuler les deux arrêtés en invoquant la violation des lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 sur la liberté de réunion et le détournement de pouvoir.

Le problème de droit était le suivant : « Sous motif d’un potentiel trouble à l’ordre public, l’autorité municipale peut-elle adopter une mesure préventive de police administrative entravant la liberté de réunion ? »

La solution de l’arrêt Benjamin


Le Conseil d’État fait droit à la requête de M. Benjamin et annule les arrêtés du maire de Nevers qui a commis une faute lourde en entravant la liberté de réunion.

Par cet arrêt Benjamin, le Conseil d’État affirme que « s’il incombe au maire, de prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion ».

Ainsi, le Conseil d’État rappelle que le maire est titulaire du pouvoir de police administrative générale qui l’autorise à prendre des mesures de police pour maintenir l’ordre public.

Néanmoins, les mesures de police qui peuvent être prises par le maire doivent être conciliées avec la liberté de réunion. Le pouvoir de police du maire n’est pas absolu, il peut céder face à la liberté de réunion.

Le Conseil d’État ajoute que « l’éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu’il n’ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qu’il lui appartenait de prendre ».

Par conséquent, le Conseil d’État consacre la nécessité du caractère proportionné à la situation de la mesure de police. Une mesure de police n’est légale que si elle est proportionnée, il faut que les atteintes aux libertés publiques engendrées par la mesure soient nécessaires pour maintenir l’ordre public.

Plus précisément, la mesure de police prise doit être la moins contraignante possible, parmi les mesures efficaces pouvant être prises

En l’espèce, rien n’empêchait le maire de protéger l’ordre public en faisant appel aux forces de police tout en maintenant la conférence.

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2. Arrêt Benjamin : sa portée


Dans l’arrêt Benjamin, le cœur du sujet portait sur la liberté de réunion.

Il s’agissait pour le maire de Nevers de concilier :

  • Le maintien de l’ordre public dicté par l’article L2212-2 du Code général des collectivités
  • La liberté de réunion protégée par la loi du 30 juin 1881 qui encadre son exercice.

Le juge doit apprécier en l’espèce s’il y a bien une menace de trouble à l’ordre public qui justifie une mesure de police administrative.

Le cas échéant, il doit également vérifier si le degré de gravité est suffisamment important pour être en accord avec la mesure de police qui a été prise. (Conseil d’État, Morel et Rivière, 26 avril 1968)

On comprend par cet arrêt que l’autorité municipale ne dispose pas de réel pouvoir pour empêcher un trouble à l’ordre public si ce n’est les mesures préventives. Il y a un véritable principe de proportionnalité dans l’exercice de ces pouvoirs de police.

Le Conseil d’État a appliqué la formule « la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ».

Dans ce cadre, plusieurs conditions s’imposent pour pouvoir rendre ces mesures imposables :

  • La menace pour l’ordre public est manifestement et exceptionnellement grave (degré de gravité)
  • L’autorité municipale ne dispose pas d’effectif suffisant pour pouvoir contrôler et maintenir l’ordre lors d’une réunion publique.

La solution de l’arrêt Benjamin a été reprise de nombreuses fois après la seconde guerre mondiale.

Par exemple, l’arrêt Naud du 23 janvier 1953 rendu par le Conseil d’État qui relève qu’il incombe au préfet de police de concilier son action visant le maintien de l’ordre public avec le respect de la liberté de réunion.

Qu’en l’espèce, les faits en cause n’étaient pas de nature à menacer l’ordre public au point d’entraver la liberté de réunion.

Des solutions similaires ont été reprises dans les arrêts Houphouët-Boigny le 19 juin 1953 et Damazière et autres le 29 juillet 1953 par le Conseil d’État.

Tous ces arrêts n’ont qu’un objectif : inciter l’autorité de police à la prudence dans l’utilisation de ses pouvoirs de prévenir l’atteinte à l’ordre public.

Par une jurisprudence plus récente, le Conseil d’État clarifie de nouveau ses propos en relevant qu’il est nécessaire de constater l’absence de mesure moins contraignante.

Plus concrètement, un arrêt du 9 avril 1993, Touzery et Olive rendu par le Conseil d’État a annulé une mesure préventive de police au motif qu’il existait « une mesure aussi efficace et moins contraignante ».

On voit se dessiner un faisceau d’indice pour reconnaître l’abus d’une mesure de police administrative.

Cela se précise encore davantage par un arrêt de la Cour administrative d’appel du 8 février 2017, le juge rappelle les conditions de validité de ces mesures : « il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police administrative de prendre les mesures nécessairesadaptées et proportionnées à des exigences d’ordre public sans porter d’atteinte excessive à l’exercice, par les citoyens, de leurs libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression et la liberté de réunion ».

La liberté de réunion est donc une liberté fondamentale qui fait l’objet d’une protection particulière. Les mesures de polices destinées à entraver cette liberté doivent donc être :

  • Nécessaire
  • Adapté
  • Proportionné (pas d’autre choix moins contraignant)

Sans ces critères, la mesure de police sera considérée comme abusive et pourra faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

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