Article 9 du Code civil : le droit au respect de la vie privée

Article 9 du Code civil : le droit au respect de la vie privée

L’article 9 du Code civil français énonce un principe fondamental : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Cette disposition, bien que concise, soulève de nombreuses questions quant à sa portée et à ses applications pratiques.

Qu’entend-on exactement par « vie privée » ? Comment ce droit est-il protégé et quelles en sont les limites ? 

article 9 du code civil

Dans cet article, nous allons explorer en profondeur l’article 9 du Code civil, en examinant sa définition, ses conditions d’application, ses domaines concernés, ses limites, ainsi que les sanctions prévues en cas d’atteinte à la vie privée. 😎

Sommaire

1. Définition du droit au respect de la vie privée

La vie privée renvoie à la sphère personnelle d’un individu, celle qui est protégée des regards indiscrets et qui concerne son intimité. Elle se distingue de la vie publique et professionnelle. Selon le doyen Jean Carbonnier, la vie privée est « la sphère secrète de la vie où l’individu aura le pouvoir d’écarter les tiers ».

Le droit au respect de la vie privée est protégé par l’article 9 du Code civil, introduit par la loi du 17 juillet 1970, qui a consacré une jurisprudence préexistante. Ce droit a également une valeur constitutionnelle, reconnue par le Conseil constitutionnel, qui l’a rattaché aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999).

Sur le plan international, la protection de la vie privée est garantie par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), qui prévoit le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance.

2. Conditions d’application de l’article 9 du Code civil

 

Aux termes de l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » La Cour de cassation a précisé que « toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir, a droit au respect de sa vie privée » (Cass. 1re civ., 23 octobre 1990).

Pour qu’une atteinte à la vie privée soit caractérisée, deux conditions principales doivent être réunies :

2.1. Conditions tenant à la victime

Seules les personnes physiques peuvent invoquer une atteinte à leur vie privée au sens de l’article 9 du Code civil. Les personnes morales ne peuvent pas se prévaloir de ce droit. La Cour de cassation a ainsi jugé qu’une société ne pouvait invoquer une atteinte à sa vie privée (Cass. 1re civ., 17 mars 2016).

Toutefois, les personnes morales disposent de droits similaires, tels que la protection de leur réputation, de leur nom, de leur siège social et de leurs correspondances (CEDH, 16 avril 2002, Société Colas Est et autres c. France).

2.2. Conditions tenant à l’atteinte elle-même

L’atteinte à la vie privée doit résulter d’une immixtion dans la sphère privée de la personne, sans son consentement. Peu importe le but poursuivi, la simple immixtion, même sans publication ou divulgation ultérieure, constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée (Cass. 1re civ., 5 novembre 1996).

Le consentement de la personne concernée est essentiel. Toute immixtion non autorisée est prohibée, y compris si elle est motivée par des intentions bienveillantes (Cass. 1re civ., 23 avril 2003).

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3. Domaines d’application de l’article 9 du Code civil

La notion de vie privée est large et recouvre de nombreux aspects de la vie d’une personne. La jurisprudence a permis de définir plusieurs domaines protégés :

3.1. L’orientation et l’identité sexuelles

La révélation de l’orientation sexuelle d’une personne sans son consentement constitue une atteinte à sa vie privée (CEDH, 25 mars 1992, B. c. France). De même, divulguer les démarches entreprises par une personne en vue d’un changement de sexe porte atteinte à sa vie privée (CA Grenoble, 10 septembre 2020).

3.2. La vie sentimentale et familiale

La divulgation des relations sentimentales ou familiales d’une personne sans son accord est constitutive d’une atteinte à la vie privée (Cass. 1re civ., 24 avril 2003), que ces relations soient réelles ou supposées.

3.3. Le domicile

Le domicile est protégé par le droit au respect de la vie privée. Publier des photographies du domicile d’une personne, avec son adresse et le nom du propriétaire, sans son consentement, constitue une atteinte à sa vie privée (Cass. 1re civ., 5 juin 2003). De même, pénétrer dans le domicile d’une personne sans autorisation, y compris pour un bailleur dans les locaux loués, viole ce droit (Cass. 1re civ., 10 mai 2005).

3.4. L’image

Toute personne dispose d’un droit exclusif sur son image et son utilisation. La publication ou l’utilisation de l’image d’une personne sans son consentement porte atteinte à sa vie privée, sauf exceptions (personnes publiques dans l’exercice de leurs fonctions, scènes de foule, etc.).

3.5. Les convictions religieuses ou politiques

La divulgation des convictions religieuses ou politiques d’une personne sans son consentement, notamment dans le but de la discréditer ou de susciter des discriminations, constitue une atteinte à sa vie privée (Cass. 1re civ., 6 mars 2001).

3.6. La santé

Les informations relatives à la santé d’une personne relèvent de sa vie privée. Le secret médical est une obligation pour les professionnels de santé. Divulguer l’état de santé d’une personne sans son accord est une violation du droit au respect de la vie privée (Cass. 1re civ., 6 juillet 1987).

3.7. Les données personnelles

Avec le développement des technologies numériques, la protection des données personnelles est devenue un enjeu majeur. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018, renforce les droits des individus sur leurs données, notamment le droit à l’oubli et le droit à l’effacement.

4. Limites d’application de l’article 9 du Code civil

Le droit au respect de la vie privée n’est pas absolu et peut être limité par d’autres droits ou intérêts légitimes. Le juge doit effectuer une balance des intérêts en présence.

4.1. La liberté d’expression et le droit à l’information

La divulgation d’informations relevant de la vie privée peut être justifiée par le droit à l’information du public, notamment lorsqu’il s’agit de sujets d’intérêt général. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a consacré la nécessité de mettre en balance le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression (CEDH, 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande).

Par exemple, la révélation de l’orientation sexuelle d’un homme politique influent, dans le cadre d’un débat sur l’homophobie au sein d’un parti politique, a été jugée légitime (Cass. 1re civ., 11 juillet 2018).

En revanche, la publication d’un article centré sur la vie sentimentale de deux anciens ministres, sans lien avec un débat d’intérêt général, a été considérée comme une atteinte à leur vie privée (Cass. 1re civ., 11 mars 2020).

4.2. Le contexte professionnel

Dans certaines circonstances, l’employeur peut accéder à des informations relevant de la vie privée de ses salariés, notamment pour préserver les intérêts de l’entreprise. Toutefois, cette ingérence doit être proportionnée et justifiée.

Par exemple, l’employeur peut consulter les messages envoyés par un salarié depuis sa messagerie professionnelle, à condition que ceux-ci ne soient pas identifiés comme personnels (Cass. soc., 21 septembre 2011). En revanche, l’utilisation de moyens disproportionnés, tels que la filature ou la surveillance excessive, est prohibée (CA Toulouse, 7 février 2020).

4.3. La sécurité publique

La protection de la sécurité publique peut justifier certaines atteintes à la vie privée, comme l’utilisation de caméras de surveillance dans les lieux publics ou la conservation de données personnelles par les autorités. Ces mesures doivent toutefois être encadrées et proportionnées aux objectifs poursuivis.

La CEDH a admis l’utilisation de dispositifs de surveillance pour suivre les déplacements d’une personne suspectée d’infractions graves (CEDH, 2 septembre 2010, Uzun c. Allemagne).

4.4. L’intransmissibilité après le décès

Le droit au respect de la vie privée est attaché à la personne et s’éteint à son décès. Les héritiers ne peuvent pas agir en justice pour une atteinte à la vie privée du défunt (Cass. 1re civ., 14 décembre 1999). Cependant, ils peuvent invoquer une atteinte à leur propre droit au respect de la vie privée ou à la mémoire du défunt.

5. Sanctions en cas d’atteinte à la vie privée

L’atteinte au droit au respect de la vie privée engage la responsabilité civile et, dans certains cas, pénale de son auteur.

5.1. Sanctions civiles

Selon l’article 9 alinéa 2 du Code civil, « les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ».

La victime peut obtenir :

  • Des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
  • Des mesures visant à faire cesser l’atteinte, comme l’interdiction de diffusion d’une publication, le retrait de contenus en ligne, etc.

5.2. Sanctions pénales

Le Code pénal sanctionne les atteintes volontaires à la vie privée. Les articles 226-1 et suivants prévoient des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour l’atteinte à l’intimité de la vie privée, notamment par la captation, l’enregistrement ou la transmission de paroles ou d’images sans le consentement de la personne concernée.

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