Cours de droit fiscal - optimisé et complet

Séance 1 – Introduction au droit fiscal : Impôts, taxes et redevances

Le droit fiscal est habituellement défini comme une branche particulière des finances publiques, qui regroupe l’ensemble des dispositions relatives aux « impositions de toute nature » (I).

Cette notion doit notamment être distinguée de celle de redevance pour service rendu (II).

 I. Les impositions de toutes natures

Les impositions de toutes s’entendent : des impôts (A) et des taxes (B).

A- La notion d’impôt

Si elle n’est pas définie par la loi, la notion d’impôt est cependant définie par la doctrine comme un prélèvement pécuniaire (1) obligatoire (2) et définitif (3), dépourvue de contrepartie individualisée (4) et d’affectation particulières (5).

⚠️ Attention : 
L’ensemble de ces critères sont cumulatifs.

1) Le caractère pécuniaire de l’impôt

Le caractère pécuniaire de l’impôt signifie :

• L’impôt est établi sur la base d’éléments qui ont une valeur économique (un revenu ou un bien par exemple) 

🛠️ Exemple : 
L’impôt peut frapper un revenu ou la valeur économique d’un bien meuble ou immeuble. Ainsi, dans le cas d’un immeuble, l’impôt foncier va par exemple être assis sur la valeur locative.

• L’impôt doit en principe être payé en argent.

⚠️ Attention : 
 Il existe des exceptions à cette règle, puisque l’impôt peut par exception être payé « en nature » : c’est ce qu’on appelle la « dation en paiement » (art. 1716 bis CGI).

Ainsi, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) peuvent par exemple être acquittés par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection, de documents de haute valeur artistique ou historique, ou d’immeubles situés dans certaines zones.

2) Le caractère obligatoire de l’impôt

Le caractère obligatoire de l’impôt, quant à lui, vient de ce que l’impôt est mis à la charge du contribuable de manière unilatérale : sans que son consentement individuel ne soit jamais requis (Cons. constit., 29 déc. 1989, n° 89-268 DC, §45). 

⚠️ Attention : 
Il existe néanmoins quelques tempéraments à cette règle, puisque le contribuable se voit parfois offrir la possibilité de se constituer spontanément redevable de l’impôt. Dans certains cas, il est ainsi possible d’opter pour une imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), alors même que les conditions d’assujettissement ne sont pas satisfaites.

Dans le même ordre d’idées, le caractère obligatoire de l’impôt tient à ce que le régime d’imposition auquel le contribuable est astreint lui est en principe imposé.

⚠️ Attention : 
Il existe de nombreux régimes d’imposition optionnels, que ce soit en matière d’assiette ou de liquidation (sur ces notions, v. la Séance 2).

3) Le caractère définitif de l’impôt

Le caractère définitif de l’impôt signifie simplement qu’un impôt régulièrement établi ne peut jamais donner lieu à remboursement.

La loi fiscale prévoit néanmoins certains mécanismes particuliers permettant la décharge de contribuables assujettis à l’impôt de manière régulière.

L’administration fiscale s’est ainsi vu offrir la possibilité de prononcer, à titre gracieux, le dégrèvement de certaines impositions régulièrement établies, en cas notamment de gêne ou d’indigence (art. L. 247 LPF).

4) L’absence de contrepartie individualisée pour le contribuable

Le paiement de l’impôt par le contribuable ne donne lieu à aucune contrepartie individualisée qui soit identifiable (prestation de service par exemple).

Cette caractéristique particulière de l’impôt permet de distinguer les impositions de toute nature et les redevances.

🛠️ Exemple :
Il a ainsi été jugé que :
« dans la mesure où l’atténuation des nuisances phoniques au voisinage d’un aérodrome résulte principalement de travaux d’insonorisation des habitations et établissements divers ainsi que du rachat et de l’aménagement d’immeubles en vue de leur affectation à des activités moins sensibles à ces nuisances, la contribution mise à la charge des exploitants d’aéronefs pour financer cette atténuation, perçue par l’exploitant de l’aérodrome, n’est la contrepartie d’aucune prestation de service par cet exploitant aux exploitants d’aéronefs», si bien que « cette contribution n’a[vait] pas le caractère d’une redevance pour service rendu pouvant être établie par décret, mais d’une imposition ne pouvant être instituée qu’en vertu d’une loi » (CE, 10e – 7e s.-s., 13 nov. 1987, n° 57652, Synd. nat. des transporteurs aériens).

Sur le plan contentieux, l’absence de contrepartie individualisée au paiement de l’impôt signifie que le contribuable ne peut pas former un recours pour contester l’utilisation qui aurait selon lui été faite des impositions dont il s’est acquitté (CE, 8e – 9e s.-s., 18 juin 1980, n^os 18246 et 17956 : RJF 9/80 n° 726).

5) L’absence d’affectation particulière dans le budget général du bénéficiaire du produit de l’impôt

⚖️ Définition :
L’impôt est une ressource financière de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics (EPA) qui est « sans affectation particulière » (CE, 8e – 9e s.-s., 27 mai 1981, n° 16297, aux t. sur ce point) et qui intègre le budget général du bénéficiaire.

Ce principe souffre cependant de trois grandes séries d’exceptions :

1) Les impôts sociaux : La contribution sociale généralisée (CSG) constitue une imposition de toute nature (Cons. constit., 13 août 1993, n°93-325 DC, §119 — Cons. constit., 18 juil. 2001, n° 2001-447 DC, §17), et il en est de même pour la contribution au redressement de la dette sociale (CRDS) (CE, 3e – 8e s.-s., 4 mai 2011, n° 330551). Ces impositions ont pour objet de financer des régimes de sécurité sociale.

2) Les impôts locaux : La quasi-totalité du produit des impositions locales – telles que la taxe d’habitation (TH) ou la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties (TFPB/TFPNB) – est affectée au budget de la collectivité concernée.

3) Les impôts affectés à d’autres tiers : Le produit de certains impôts est affecté à d’autres organismes.

🛠️ Exemple :
L’organisme FranceAgriMer bénéficie ainsi du produit de la taxe d’abattage et de la taxe sur les céréales.

Ces impositions sont régies par l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et doivent ainsi :

– Être affectées à des personnes morales autres que l’État chargées d’une mission de service public;

– Être autorisées ou réaffectées par une loi de finances.

🧠 À retenir :
L’impôt est un prélèvement pécuniaire, obligatoire et définitif, dépourvu de contrepartie individualisée et d’affectation particulière dans le budget général de son bénéficiaire.

B- La notion de taxe

⚖️ Définition :
La taxe est définie par la doctrine comme « la somme exigée en contrepartie des prestations offertes par un service public ou de la possibilité d’utiliser un ouvrage public… par des personnes publiques (l’État, les collectivités locales, les établissements publics administratifs), et seulement en vue d’assurer le fonctionnement de leurs services publics administratifs ».

La notion de taxe se caractérise ainsi par son montant – qui ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport aux dépenses résultant de la contrepartie proposée –, ainsi que par la qualité des contribuables — qui sont, non des usagers effectifs, mais des usagers potentiels.

1) Le montant de la taxe

⚖️ Définition :
Toute taxe constitue « un remboursement des dépenses exigé par [une personne publique] pour le service qu’elle est susceptible de rendre à certaines catégories de personnes » (CE, 28 févr. 1934, Chieze Côte-d’Or).

De ce fait, la taxe « n’a pas vocation à financer l’ensemble des dépenses budgétaires » de la personne publique bénéficiaire du produit de cette taxe (R. Victor, concl. sous CE, 8e ch., 25 oct. 2017, n° 410409).

Aussi, « le produit d’une taxe, et par voie de conséquence, son taux ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu’il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux » (CE, 8e – 3e s.-s., 31 mars 2014, n° 368111, Sté Auchan France).