L’arrêt Perruche s’est inscrit comme l’un des arrêts les plus controversés de ces vingt dernières années.
Un arrêt sous le signe du droit de la responsabilité médicale qui a défrayé la chronique et déchainé les passions, tant sur le plan juridique que philosophique.
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Sommaire
1. Arrêt Perruche : fiche d’arrêt
Faits et procédure de l’arrêt Perruche
Dans cette affaire, une femme enceinte s’adresse à un médecin et un laboratoire d’analyses médicales. Une certaine Mme Perruche présente des symptômes de la rubéole, une maladie qui pourrait affecter l’enfant à naître et veut s’assurer qu’elle n’en est pas atteinte.
Après une phase de tests, le médecin lui confirme qu’elle ne présente aucune trace de la rubéole et qu’elle pourra mettre son enfant au monde sans risque.
Et là, c’est le drame pour le petit Nicolas Perruche… 🤕
Les parents engagent alors la responsabilité contractuelle du médecin et du laboratoire, invoquant que leur diagnostic erroné les a empêchés de prendre la décision de mettre un terme à la grossesse et qu’il constitue une faute contractuelle.
• Le préjudice d’avoir un enfant atteint de handicap : une prétention tout à fait légitime dans la mesure où une telle naissance suppose des frais supplémentaires pour l’éducation de l’enfant tout au long de sa vie et est une cause d’anxiété permanente pour les parents. Que deviendra l’enfant à la fin de leur vie ?
• Le préjudice propre à l’enfant du fait d’être né handicapé : une prétention bien plus contestable qui va donner toute sa particularité à l’arrêt Perruche.
Le 17 décembre 1993, un arrêt de la cour d’appel de Paris ne fait pas droit à leur seconde demande. Seul le préjudice subi par les parents doit être indemnisé, le handicap de l’enfant n’est pas dû aux fautes du médecin mais à la rubéole que lui a transmis sa mère.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel d’Orléans qui maintient la position de la Cour d’appel de Paris et rend un arrêt infirmatif le 5 février 1999, le préjudice de l’enfant ne doit pas être réparé.
Solution de l’arrêt Perruche
Le 17 novembre 2000, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans au visa des articles 1165 et 1382 anciens du Code civil (article 1240 du Code civil) et admet non seulement :
• Le préjudice des parents : il ne fait aucun doute que les fautes de diagnostic du médecin sont à l’origine de la décision de la mère de ne pas interrompre sa grossesse et donc de la naissance de l’enfant handicapé. Dès lors, les fautes du médecin, le préjudice des parents et le lien de causalité sont avérés. Les professionnels engagent leur responsabilité civile.
• Mais aussi le préjudice de l’enfant né handicapé : A ce titre, elle juge que « dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme X. avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».
Si la faute médicale et le préjudice de l’enfant lié à son handicap sont aisément démontrés, c’est au niveau du lien de causalité entre les deux que ça cloche.
Les malformations du fœtus existaient avant l’intervention du médecin, elles n’ont été que révélées à la naissance de l’enfant.
L’assemblée plénière raisonne autrement et considère que le lien de causalité est établi dès lors que les parents de l’enfant ont été « empêchés » de recourir à une IVG.
À ce stade, deux thèses s’affrontent :
De toute évidence, si l’on veut démontrer un préjudice causé à l’enfant, la Cour est contrainte d’en déduire que c’est la naissance même de l’enfant qui se doit d’être indemnisée car, même informés, les parents n’auraient pu empêcher le handicap.
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2. Arrêt Perruche : portée
Un arrêt sorti des sentiers battus
▶ En l’absence d’un dommage particulier, de circonstances ou d’une situation particulière, ni la Cour de cassation ci le Conseil d’État ne reconnaissent l’existence d’un préjudice du seul fait de la naissance.
Le Conseil d’État avait jugé que la naissance d’un enfant, même si elle survient après une IVG pratiquée sans succès, n’est pas génératrice d’un préjudice susceptible de justifier le versement de dommages-intérêts à la mère, à moins qu’il soit fait état d’une situation particulière. (CE, 02/07/1982)
Le Conseil d’État avait accepté d’indemniser les parents d’un enfant né handicapé en raison des lésions provoquées par une IVG qui avait échoué. (CE, 27/09/1989)
De même, la Cour de cassation a accepté d’indemniser les parents d’un enfant affecté d’un grave handicap à la suite de l’absence de prescription de la sérologie de la rubéole lors de l’examen prénuptial de la mère, pratiqué avant la conception de l’enfant. (Cass. civ. 16/07/1991)
Ainsi, la Cour de cassation prend le contrepied de l’arrêt « Quarez » du 14 février 1997 rendu par le Conseil d’État qui avait refusé d’indemniser l’enfant né atteint d’un handicap incurable après qu’une faute médicale a privé ses parents d’exercer leur droit de recourir à une interruption de grossesse.
L’après Perruche : Loi « Anti-Perruche »
Dans 3 arrêts du 13 juillet 2001, la Cour précise qu’une telle indemnisation n’est possible que si les conditions d’une interruption volontaire de grossesse sont réunies, c’est-à-dire, une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
Petit problème : la loi « anti-Perruche » était rétroactive et applicable aux litiges en cours, de sorte qu’elle privait sans prévenir certains requérants handicapés de leur droit à indemnisation.
Cette application rétroactive de la loi fut alors censurée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les arrêts « Maurice c. France » du 21 juin 2006 et « Draon c. France » du 6 octobre 2005.
Dans une décision du 11 juin 2010, le Conseil Constitutionnel censure partiellement la loi « anti-Perruche ».
Pour le Conseil, le droit à indemnisation du préjudice de naissance perdure si l’action en justice a été intentée avant l’entrée en vigueur de la loi anti-Perruche mais ce droit s’estompe si l’action en justice a été intentée après l’entrée en vigueur de la loi.
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